Le CHSCT après la loi Rebsamen

par François Cochet directeur des activités santé au travail du cabinet d'expertise Secafi / janvier 2016

Les CHSCT ont été au coeur de la rupture des négociations sur le dialogue social, puis du débat parlementaire sur la loi Rebsamen. Synthèse de ce que vont changer pour eux les nouveaux textes, assortie de conseils pour en tirer le meilleur parti.

Entre les négociations difficiles sur l'évolution du dialogue social, fin 2014, puis les rebondissements du débat parlementaire sur la loi Rebsamen, il est bien difficile d'avoir en tête l'ensemble des modifications apportées au fonctionnement des CHSCT. Nous présentons ici ces évolutions, même si l'on attend encore les principaux décrets d'application.

Pour rassurer ceux qui, comme beaucoup de connaisseurs engagés sur le front des conditions de travail, craignaient pour l'avenir de l'institution au vu de la première version du projet de loi, l'essentiel a été sauvé, grâce aux nombreux amendements parlementaires. Tel est l'avis de Pierre-Yves Verkindt, auteur du rapport Les CHSCT au milieu du gué, qui affirmait en novembre dernier1  : "Le CHSCT ne va pas disparaître dans la nouvelle délégation unique du personnel."

Faire en sorte que le regroupement soit bénéfique

Certes, on aurait pu rêver projet plus ambitieux. Mais il est vrai aussi que, dans certaines petites entreprises, les différentes instances avaient parfois du mal à tenir leur rôle, ou même à exister, et qu'il n'y avait pas toujours suffisamment de candidats pour les faire vivre. C'est donc maintenant aux acteurs de terrain de faire la preuve que ce regroupement peut être bénéfique pour la représentation du personnel dans les PME et pour les conditions de travail.

Pour commencer sur une bonne nouvelle, il faut se féliciter de la généralisation de la couverture des salariés par un CHSCT dans les entreprises de plus de 50 salariés. Il n'y aura plus d'échappatoire possible : chaque salarié devra être rattaché à un CHSCT. C'est un vrai progrès, car certaines entreprises s'arrangeaient pour qu'une fraction importante de leurs salariés ne soient couverts par aucun CHSCT. Au-delà, il convient avant tout de retenir que le régime est très différent selon que l'entreprise comporte plus ou moins de 300 salariés.

Une DUP en dessous de 300 salariés

Dans les entreprises de moins de 300 salariés, l'employeur peut décider, à sa seule initiative, de mettre en place une délégation unique du personnel (DUP), qui reprendra les prérogatives du comité d'entreprise, des délégués du personnel et du CHSCT. Il devra seulement consulter les instances à ce sujet puis organiser des élections. Ce regroupement n'est pas sans écueil. Ainsi, les représentants du personnel devront faire en sorte que la future DUP intègre des candidats motivés par les conditions de travail et expérimentés. Concrètement, les membres du CE devront faire de la place à ceux venant du CHSCT. Désormais, tous les membres seront élus et les questions de conditions de travail auront toute leur place dans la campagne électorale. Rappelons aussi que, en 2017, les listes électorales devront comporter une proportion d'hommes et de femmes équivalente à celle de la composition du personnel de l'entreprise.

La loi crée un poste de secrétaire adjoint. Cette nouveauté ouvre la possibilité d'une répartition des rôles avec le secrétaire, l'un prenant en charge plus particulièrement les "sujets CE", l'autre les "sujets CHSCT", et ce, afin d'éviter que les questions du travail ne passent systématiquement en dernier après la gestion des activités sociales et culturelles et les questions économiques. Mais il faudra surtout rechercher une articulation intelligente entre toutes ces problématiques, et non se contenter de les juxtaposer. Par exemple, on mesurera le coût des mauvaises conditions de travail qui génèrent de l'absentéisme et rendent l'entreprise moins compétitive.

Alors que le CHSCT ne comportait aucun suppléant, il y en aura finalement dans la DUP. Devenir suppléant est un bon moyen de prendre progressivement des responsabilités et de se former au contact des anciens. Il convient d'insister sur les enjeux de formation. Tous les élus de la DUP auront les prérogatives des anciens membres des CHSCT et pourront donc, y compris les suppléants, bénéficier de la formation légale de trois jours. La première urgence sera donc d'envoyer tous les membres de la nouvelle instance en formation CHSCT.

Au sein de la DUP, les prérogatives anciennes de chaque instance sont préservées et, lors de ses réunions, il y aura des temps distincts pour traiter des "sujets CHSCT" au moins quatre fois par an. Mais rien n'interdit, s'il en est besoin, de traiter de tels sujets lors des six réunions minimum prévues par la loi, ni de demander une réunion exceptionnelle si une situation préoccupante l'exige.

Dans les entreprises de plus de 300 salariés, les instances actuelles ne sont pas directement modifiées par la loi. Celle-ci permet cependant d'organiser leur regroupement partiel ou complet, mais seulement par accord majoritaire, c'est-à-dire si des syndicats ayant obtenu plus de 50 % des voix aux élections y voient des avantages. Beaucoup de situations ne vont donc pas bouger. Et une phase expérimentale va s'ouvrir là où les acteurs sociaux le décideront, dans un cadre où tout sera négociable. Rien n'oblige à seulement raisonner en termes de regroupement entre comité d'entreprise et CHSCT. Ce dispositif fournit un cadre légal à ceux qui voudraient donner une existence durable aux instances de coordination des CHSCT (ICCHSCT), qui ne sont actuellement créées qu'au libre choix de l'employeur et seulement pour piloter une expertise lors d'une restructuration ou réorganisation.

Nouveaux moyens pour le CE

Le CE va disposer de nouveaux moyens pour investir le champ des conditions de travail. En effet, la loi Rebsamen regroupe les 17 obligations de consultation du CE en trois blocs : orientations stratégiques, gestion prévisionnelle des emplois, formation ; situation économique et financière de l'entreprise ; politique sociale, conditions de travail et emploi. Ce dernier bloc inclut notamment les actions de prévention, la durée et l'aménagement du temps de travail, l'égalité professionnelle et les modalités d'exercice du droit d'expression.

Il est clair que ces thèmes intéressent au premier chef le CHSCT. Or c'est le CE qui sera premier destinataire de ces informations et qui pourra bénéficier des services d'un expert-comptable pour les analyser. Il serait dommage que le CHSCT ne participe pas d'une manière ou d'une autre à ces échanges. La loi Rebsamen prévoit, par exemple, la possibilité de réunir le CE et le CHSCT lorsque cela est justifié. En effet, si le CHSCT peut se faire assister par un expert agréé, c'est seulement dans des situations exceptionnelles, à savoir en cas de "risque grave" ou de "changement important d'organisation". Il ne peut aujourd'hui demander à son expert agréé un bilan régulier de la situation de l'entreprise. En donnant cette possibilité au CE, la loi Rebsamen élargit les possibilités de conseil qui sont prévues pour les représentants du personnel.

En définitive, on voit bien que ce nouveau dispositif ne pourra être utile aux représentants du personnel qu'à deux conditions. Il faut d'abord que le CHSCT et le CE coopèrent et partagent les informations et les analyses dont ils peuvent disposer. Il faut aussi que les expertises dont ils bénéficient progressent en pluridisciplinarité, de façon à les aider toujours davantage à concilier les exigences du "bien travailler" avec l'efficacité économique nécessaire à la pérennité de leur entreprise.

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    Lors d'une journée de réflexion organisée par la direction régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'Emploi (Direccte) Nord-Pas-de-Calais.