Des expositions professionnelles au protoxyde d’azote préoccupantes

par Frédéric Lavignette / 15 avril 2024

Des valeurs limites d’exposition professionnelle (VLEP) pour le protoxyde d’azote (N2O) vont-elles être fixées ? Le rapport d’expertise collective remis par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) au ministère du Travail en février dernier le recommande fortement, car nombreux sont les secteurs professionnels à utiliser ce gaz néfaste pour la santé. Par exemple, explique l’Anses, le protoxyde d’azote peut « altérer les performances cognitives et nuire à la fertilité et au développement chez l’être humain ». A des concentrations élevées ou après des expositions répétées, il est aussi responsable d’atteintes hématologiques, immunitaires, neurologiques et de troubles psychiques. Ces effets peuvent être observés en cas d’utilisation détournée de ce gaz hilarant par des adolescents. 
Pour rappel, cela fait plus de 150 ans que le secteur médical utilise l’oxyde nitreux (autre désignation du protoxyde d’azote), souvent en association à d’autres gaz anesthésiants. Il est employé comme adjuvant lors des anesthésies générales par inhalation, ou pour soulager les douleurs pendant les accouchements et les interventions médicales mineures (dentisterie, urgence, médecine vétérinaire). De son côté, l’industrie alimentaire l’utilise comme additif (le E942) ou comme gaz propulseur, notamment pour obtenir des crèmes fouettées aériennes. Ce gaz, mélangé à du carburant, sert aussi à la propulsion des fusées. 
Malgré la toxicité du protoxyde d’azote, observe l’avis de l’Anses, « la France ne dispose à ce jour d’aucune valeur limite d’exposition professionnelle pour cette substance ». Seul le secteur du soin est doté d’une recommandation qui limite à 25 parties par million (ppm) la concentration en protoxyde d’azote dans l’atmosphère des locaux où il est utilisé. Mais cette recommandation n’a aucune valeur réglementaire. 
Inscrire une VLEP dans le Code du travail est une nécessité, observe l’Anses, afin de « prévenir les risques sur la santé de l’ensemble des professionnels exposés au protoxyde d’azote ». Celle qu’elle préconise est de 25 ppm pour les expositions sur une période de 8 heures, soit 45 mg de protoxyde d’azote par mètre cube d’air (et 225 mg/m3 sur 15 minutes). En attendant cette inscription, l’Agence recommande aux employeurs de ventiler les pièces et de capturer le gaz à la source, de sorte à limiter « au niveau le plus faible possible l’exposition au protoxyde d’azote lorsque son utilisation ne peut être évitée ».